Objet : fermeture des écoles, continuité scolaire et confiance
Madame la Rectrice,
Les personnels de l’éducation nationale sont très investis dans leurs missions et possèdent une conscience professionnelle avérée. Mais celle-ci a des limites, humaines et techniques.
En effet, les annonces du ministre de l’Education Nationale et de la Jeunesse qui voulaient faire croire que la continuité pouvait se mettre en place d’un claquement de doigts n’étaient pas réalistes. Nous demandons au ministère d’arrêter de faire penser le contraire à une opinion publique et média-tique éloignée de notre réalité.
Il n’est pas possible de demander cela aux enseignant·e·s dans un délai aussi court alors qu’à con-trario le gouvernement a pris le temps nécessaire pour décider de la fermeture des écoles du départe-ment. Elles·ils ont besoin d’envisager cette nouvelle façon de travailler de façon sereine.
Et tout simplement, la présence et l’expertise du professeur ne pourront jamais être remplacés.
Nous demandons donc une nouvelle fois de laisser du temps aux enseignant·e·s pour pouvoir mettre les activités qui leur semblent nécessaires en place.
De même, n’ayant reçu aucune formation généralisée sur la mise en place d’ENT ou de blogs de classe, il n’y a pas d’obligation à mettre en place ces outils « en catastrophe » et « en se débrouillant tout seul ». Nous vous demandons de le préciser : il s’agit d’une “invitation” et non d’une demande ré-glementaire.
Les personnels de l’éducation nationale n’ont jamais reçu de dotation financière ou de matériel afin de s’équiper en téléphone professionnel, en informatique et en connexion internet. Il ne peut donc rien leur être imposé sur ces aspects.
Les personnels de l’éducation nationale ont eux aussi des enfants qui n’iront pas à l’école pendant 15 jours, doivent aussi s’en occuper et seront donc très occupés chez eux.
Nous vous demandons de rappeler aux inspecteurs de circonscription d’accorder les autorisations spéciales d’absence lorsqu’elles leur sont demandées.
Les interactions entre des élèves qui éprouvent des difficultés dans leurs apprentissages et des pa-rents démunis du point de vue de l’intervention pédagogique ont toutes les chances d’occasionner ma-lentendus, tensions et in fine dévalorisations de l’image de soi des enfants (« en échec ») et des adultes (incapables de proposer une aide voire même de lire et comprendre les documents). Plutôt que de faire la classe à la maison, ne serait-il pas plus profitable pour les enfants et leurs familles, dans un contexte sanitaire qui peut être anxiogène, de mettre entre parenthèses le temps de l’école et privilégier les activités éducatives (se promener, jouer, bricoler, cuisiner, lire, etc) ?
Soyons clairs : il n’y aura pas de continuité pédagogique au sens plein du terme durant ces quinze jours mais au mieux une continuité scolaire.
Notre travail est, depuis des années, dégradé, rappelons-nous le suicide de notre collègue Christine Renon. Il n’est plus possible de compter uniquement sur la « conscience professionnelle » de direc-trices-directeurs et adjoint-es très largement investi-es pour pallier les manques de l’administration.
Les nombreux mails (parfois contradictoires) reçus ce weekend et ce début de semaine ont pu mettre certain·e·s enseignant·e·s dans un état de stress absolument pas nécessaire.
L’obsolescence du serveur du rectorat entrainant lenteur et déconnexion a ajouté du stress et du temps de travail aux directeurs·rice·s. Cela est inadmissible sachant qu’en plus ils ont dû passer leur temps personnel ce weekend à attendre des informations et à répondre parfois aux sollicitations des parents.
Pour toutes ces raisons, Madame la Rectrice, laissez nos collègues mettre en place les modalités d’organisation de la continuité scolaire telles qu’ils et elles les ont décidées.
Ne demandez pas un « rapport » journalier des activités proposées.
Comptez sur leur professionnalisme et la connaissance fine qu’ils-elles ont de leurs élèves.
Accordez leur toute votre confiance !
Et dites-leur !
Veuillez croire, Madame la Rectrice, en notre attachement au service public d’éducation.

- 2020 03 12 rectrice Confiance