Annonces Attal : le parachèvement d’une école inégalitaire

Avec ses annonces du mardi 5 décembre, Gabriel Attal pose une pièce majeure du puzzle inégalitaire. Il y a eu les attaques subies par l’école primaire ces dernières années exacerbant les inégalités de réussite en fonction de l’origine sociale, la mise en place d’un lycée modulaire, les réformes de la voie professionnelle et parcoursup aggravant le tri social. Aujourd’hui avec le torpillage du collège unique, c’est l’ensemble du système éducatif qui est organisé autour d’une ségrégation des acquis scolaires.

Pour justifier ses choix, le ministère fait mentir la recherche ou s’en affranchit totalement. Elle est pourtant claire.
Non, les résultats de l’école primaire ne se sont pas améliorés ces dernières années du fait des politiques éducatives menées : PIRLS montre au contraire un creusement des inégalités entre hors-REP et REP, où les dédoublements ont été accompagnés des pressions les plus fortes.
Non le redoublement ne permet globalement pas de lutter contre les difficultés d’apprentissage : il participe de l’enfermement dans un devenir scolaire dégradé.
Non les groupes de niveau ne permettent pas de réduire les inégalités scolaires : quand ils structurent l’organisation scolaire, ils les amplifient, et s’ils sont utilisés sur le modèle ponctuel du groupe de besoins, ils ont un effet plus faible que le travail en groupe hétérogène.
Non les manuels promus par le ministère et qui risquent d’être imposés en lecture au CP et CE1 n’ont pas fait la preuve de leur efficacité : c’est le renforcement de l’expertise enseignante qui est le levier principal de réussite des élèves et ce quel que soit le manuel qu’elle ou il choisit.

Attal poursuit l’œuvre blanquérienne de mise au pas des métiers de l’enseignement. La labellisation des manuels et leur imposition en CP CE1 n’ont eu lieu qu’à deux reprises (au 19ème siècle et au début des années 40). La réécriture des programmes, du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui substituera à l’acquisition d’une culture commune par toutes et tous une “culture générale” appauvrie, signe le renoncement à une école ambitieuse visant à former des citoyen•nes éclairé•es. Le poids renforcé donné aux évaluations nationales, la mise à disposition par le ministère de tests de positionnement (évoqués dans le bilan de la mission exigence des savoirs) visent à l’application du modèle dit de « réponse à l’intervention », dessaisissant les enseignant•es de leur expertise et visant à la mise en place de groupe de niveau sans le dire explicitement.

Les élèves des classes populaires vont être de nouveau les victimes de ce train de réforme visant le parachèvement d’une école du tri social. Le métier va être impacté avec des injonctions toujours plus fortes apportant perte de sens du métier. Attal l’assume, s’adressant d’abord aux « Français des classes moyennes [qui] financent par leur travail le fonctionnement de nos services publics » dont les enfants seraient, encore un mensonge, « empêchés de s’envoler ». Il renonce explicitement à l’élévation générale du niveau scolaire et à la démocratisation de la réussite scolaire : « Le taux de réussite au brevet et sans doute au bac diminuera dans les années à venir. J’en ai conscience et je l’assume. », dit-il.

Labellisation des manuels, simplification des programmes et évaluations au centre du pilotage mais également le retour du redoublement (et dispositifs de soutien hors la classe) sans évoquer la prévention de la difficulté et les remédiations possibles, s’agencent pour à la fois nous déposséder d’un métier et priver les élèves des classes populaires des moyens de la réussite scolaire.

Le calendrier des mesures

● dès cette année scolaire
🌕 fin du dernier mot aux parents pour le redoublement
● à la rentrée 2024
🌕 Application des nouveaux programmes de l’école maternelle, du CP, du CE1 et du CE2
🌕 Labellisation des manuels de lecture en CP (financés par l’Etat)
🌕 Envoi individuel à tous les professeurs, dès novembre, des résultats aux évaluations nationales de leurs élèves, mais aussi de leur école, établissement, circonscription, département et académie
🌕 et pour le collège : Mise en place des groupes de niveaux en français et en mathématiques en 6 et 5e, de l’accueil tous les jours de 8 h à 18 h dans les collèges REP et REP+, de parcours personnalisés et aménagés expérimentaux spécifiquement pour les élèves en grande difficulté de 6e et de 5e, refonte du brevet devenant le diplôme d’entrée au lycée
● à la rentrée 2025
🌕 Application des nouveaux programmes du CM1, du CM2 et de la 6e
🌕 Application du nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture
🌕 Labellisation des manuels de CP, CE1, CE2, CM1, CM2 et 6e
🌕 et pour le collège : Mise en place des groupes de niveaux en français et en mathématiques en 4e et 3e
● à la rentrée 2026
🌕 Labellisation de tous les manuels du CP à la terminale
🌕 et pour le collège : Application des nouveaux programmes de 5e, 4e et 3e

Retour sur le traitement du questionnaire exigence des savoirs

Nous n’en doutions pas, le questionnaire exigence des savoirs est un faire-valoir utilisé par le ministère pour appuyer ces réformes. Ni science ni bon sens (le lien étant public, n’importe qui a répondu, enseignant•e ou pas, certain•es ont répondu plusieurs fois en se faisant passer pour des inspecteur•trices, professeur•es…) et le ministre s’en sert pour en tirer des pourcentages et des décisions alors que les questions et les réponses possibles orientaient déjà les résultats. On notera toutefois que toutes les réponses ne sont pas publiées et que d’autres qui sont publiées ne sont pas exploitées.